6.

À dix-huit heures vingt, le colonel David Hudson accomplissait l’unique chose qui comptait encore – qui comptait plus que tout dans sa vie.

David Hudson effectuait une patrouille. Il avait repris le commandement; il se retrouvait de nouveau à la tête d’une section qu’il menait sur le champ de bataille – à la différence qu’à présent le champ de bataille était une grande ville américaine.

Hudson faisait partie de ces hommes qui disaient vaguement quelque chose aux gens, sauf que ceux-ci n’auraient su dire précisément quoi. Il portait ses cheveux blonds en brosse courte – une coupe récemment revenue à la mode. C’était un homme séduisant, d’une beauté très américaine.

Il avait ce type de visage extraordinairement photogénique, aux traits intenses, presque nobles, et il dégageait une assurance apparemment inconsciente, affichant un air invariablement rassurant qui disait clairement : « Oui, je peux le faire. De fait, je peux tout faire. »

Un détail, toutefois, que l’on ne remarquait pas immédiatement : David Hudson avait perdu son bras gauche au Vietnam.

En reconnaissance dans son taxi Checker aux couleurs des taxis et coursiers Vétérans, il passa tranquillement devant les pompes à essence vert vif de la station-service Hess, à l’angle de la Onzième Avenue et de la 45e Rue. David Hudson vivait l’un de ces moments où, comme dans un rêve étrange, on est capable de se voir de l’extérieur et de porter un regard objectif sur soi-même. Une sensation, pas vraiment agréable, de distorsion de la réalité qu’il avait extrêmement bien connue en service commandé et qu’il retrouvait maintenant, dans les rues grises et enneigées de New York balayé par les vents cinglant de l’hiver.

Le colonel Hudson prenait délibérément son temps avant de laisser l’étau de la mission Green Band se resserrer d’un cran supplémentaire et capital.

Chaque seconde avait été rigoureusement prise en compte. David Hudson appréciait le sens du détail plus que tout ; il aimait la précision et le réglage minutieux indispensables pour atteindre la perfection.

Il avait repris le combat.

Il décrocha finalement le micro de l’émetteur-récepteur intégré dans le tableau de bord du taxi.

— C’est parti… Ici Vétéran 1. À vous, Vétéran 5.

Le colonel David Hudson s’exprimait sur ce ton ferme et charismatique qui était la signature des ordres qu’il donnait au cours des dernières années de guerre en Asie du Sud-Est. De cette voix qui avait infailliblement généré loyauté et obéissance chez les hommes dont les vies dépendaient de lui.

— Ici Vétéran 1… À vous, Vétéran 5, répéta-t-il.

Une réponse lui parvint, dans un fort grésillement :

— Ici Vétéran 5. À vous.

— Vétéran 5. Déclenchez Green Band. Je répète : Déclenchez Green Band. Faites tout péter…

Vendredi Noir
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